C'est un généalogiste qui est à l'origine de cette affaire. En 2006, en consultant le site d'enchères E-Bay, il remarque des documents ressemblant à des archives publiques. Ces papiers anciens datent pour les premiers du XVIIIe siècle et vont
jusqu'à la fin du XIXe. Il s'agit de registres de délibérations
municipales, de documents cadastraux et autres correspondances communales. Tous
proviennent des archives de la même petite commune de Savoie. Interloqué, notre généalogiste alerte les archives de l'Ain, département où ces
documents sont proposés à la vente. Pour une fois, cette plainte ne se perd pas dans les méandres de l'administration.
L'Ain alerte la préfecture de Savoie qui
porte elle-même les faits devant le procureur de la République de
Chambéry. Suite à tout ce ram-dam, la gendarmerie diligente une enquête, perquisitionne au domicile du vendeur et saisit un lot d'actes anciens. Le procureur demande au directeur des Archives
départementales de la Savoie d'identifier les papiers saisis. Il en résulte une liste d'environ 300 documents d'archives communales. Le soufflé retombe un peu, aucun acte n'a de grande valeur historique. Mais leur place n'est décidément pas sur un site de vente aux enchères. Il semble que le brocanteur recherchait surtout des filigranes, marques de fabrique des papiers anciens.
Comment ces papiers sont ils arrivés entre les mains d'un brocanteur ? Par la négligence et l'ignorance tout simplement. Au cours de travaux dans l'ancienne mairie, les archives sont à la portée de vue des intervenants du chantier. Certaines sont emportées au domicile de l'un d'eux pour consultation, puis cédées à un premier brocanteur, à un deuxième...
Le 15 mars dernier, l'affaire passe devant la justice à Chambéry. Les archives de Savoie réclament la restitution des documents. Le brocanteur prétend les avoir trouvés en décharge publique. Sa version ne convainc pas le tribunal qui le condamne pour recel de documents d'archives publiques, avec dispense de peine, mais à une amende de 3.000 euros et ordonne la restitution aux Archives départementales.
La réponse judiciaire donnée à cette affaire marque un net changement d'attitude vis à vis des archives publiques. Autrefois, il n'était pas rare de voir ce genre d'affaires classées sans suite. On passe donc de l'indifférence à la dissuasion. Le feuilleton judiciaire n'est pas fini, deux autres affaires savoyardes du même type sont en cours d'instruction. Dans ce département, il y a eu 3 confiscations de documents en 2 ans. L'une d'elle aura sans doute une résonance accrue en raison de sa plus grande importance : ce sont TOUTES les archives anciennes d'une autre commune de Savoie qui ont été subtilisées...
Après l'affaire du brocanteur, le directeur des archives de Savoie appelle chacun à la même vigilance que ce généalogiste et met en garde contre tout achat, même de bonne foi. En cas de doute, mieux vaut se fendre d'un coup de téléphone aux archives, afin de vérifier si le document proposé est interdit ou non à la vente.
Décidément, on vole beaucoup en Savoie .... Ce n'est pas la première fois. Il y a manifestement des filières à l'oeuvre. Si les mairies et tous les détenteurs d'archives publiques non encore versées ou déposées aux archives départementales étaient moins négligents et s'acquittaient normalement de leurs OBLIGATIONS envers leurs archives (propriété publique), tout cela n'arriverait pas. Il est vrai AUSSI que le procureur de la République accepte depuis longtemps dans ce département de donner des suites judiciaires aux actions des Archives départementales, ce que ne font pas tous ses confrères, plus soucieux de classer sans suite que de faire appliquer la loi. Bravo à lui, bravo aux Archives départementales et bravo au particulier attentif : il n'y a que comme ça qu'on arrive à lutter contre les voleurs et les receleurs.
Rédigé par : Minnie | 18 décembre 2010 à 01:45