Cette histoire n'appartient pas aux journalistes, mais aux familles spoliées par les nazis ! Jeudi 20 mars 2014, Paris-Match a publié un article (que j'ai eu la joie de signer) intitulé "Biens spoliés par les nazis : la France peut mieux faire". J'y explique le décalage entre le discours officiel et la réalité, la bonne volonté des pouvoirs publics, mais le manque criant de moyens, y compris juridiques.
En résumé, l'article raconte que la France décore ses musées de tableaux volés par les nazis, mais ne fait rien pour aller chercher directement les héritiers (mais si ceux-ci se présentent spontanément, les oeuvres leurs sont bien entendu rendues après enquête). Le généalogiste israélien Gilad Japhet, fondateur et dirigeant de MyHeritage le prouve par deux exemples précis. En quelques clics sur Internet, il a identifié des héritiers d'un tableau de Gustave Courbet actuellement exposé au musée d'Orsay et les ayants droit d'un triptyque de Rubens conservé par le musée du Louvre.
Voilà le sujet principal, il m'intéresse au plus haut point et je crois pouvoir le dire sans me tromper, il suscite une immense émotion en France et à l'étranger. Ce n'est pas un article polémique, j'ai d'ailleurs interrogé les principaux responsables français en charge de la restitution. Le président de la Commission d'indemnisation des victimes de spoliation et le sous-directeur des Musées de France au ministère de la Culture me l'ont confirmé : aujourd'hui, la France n'emploie pas de généalogistes pour chercher les héritiers, par manque de moyens juridiques et aussi par manque de moyens financiers.
Comme toujours, il y a une petite histoire derrière la grande histoire. Je connais Gilad Japhet depuis plusieurs années : d'abord par son nom quand il a fondé en 2003 une petite entreprise devenue au fil des années le leader mondial de la généalogie sur Internet ; puis je l'ai interviewé en avril 2012 pour La Revue Française de Généalogie. En octobre 2012, quand il s'intéresse aux spoliations, je relate son initiative dans un article publié sur le site Internet de La Revue de Généalogie : MyHeritage aide à retrouver les biens perdus pendant la Shoah. Aussi, quand je me rend à Salt Lake City en février 2014, apprenant que Gilad est également présent, j'arrange une rencontre et nous parlons de ce sujet si intéressant. Là-bas, il me révèle qu'il travaille à présent sur des biens volés par les nazis en France. L'idée de cet article dans Paris Match germe à ce moment là.
Quel est le rôle de Doreen Carvajal dans cette histoire ? C'est une journaliste américaine, correspondante à Paris du New York Times. Elle a publié le 2 février 2014 un article intitulé "Loot no longer, A reporter in France helps to return art taken by the nazis". Elle me reproche et reproche aussi à Paris Match de lui avoir "spolié son histoire sur l'art spolié, just looted my story on looted art", parce que je n'ai pas cité son nom. Doreen a effectivement travaillé avec Gilad et l'a mis sur la piste de certains derniers propriétaires de tableaux.
Je veux dire à Doreen que je suis sincèrement désolé si son nom n'apparaît pas. Mais est-ce si important ?
Je veux dire à Doreen que son nom figurait dans une première version de cet article avec le nom de son journal, mais que mon papier étant trop long, j'ai pris la décision d'enlever cette mention parce que les recherches généalogiques ont été menées par Gilad Japhet.
Je veux dire à Doreen qu'elle ne doit pas s'approprier cette histoire (ce n'est pas "son histoire").
Je veux dire à Doreen que ce n'est pas en lisant le New York Times que j'ai appris l'existence de recherches généalogiques destinées à retrouver les héritiers de biens spoliés par les nazis.
Je veux dire à Doreen que cette histoire n'appartient pas à des journalistes, mais aux familles spoliées par les nazis.
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